Ce soir c’est méga-banquet à Chambord ! (Lire Ripailles chez François Ier / n°1 ). Et quand François Ier reçoit ça donne :
Des invités triés sur le volet, comme Rabelais, Marguerite de Valois, Montmorency… et moi-même ! Une Ambiance égrillarde à souhait !
Allez hop, c’est parti suivez-moi !
Rabelais est en pleine démonstration de grivoiserie et nous raconte comment une noble dame, drapée dans ses valeurs d’honneur et de vertu, a fini par se retrouver drapée dans ses bras velus « babujalant comme une mule la croupe en l’air ». (Lire Ripailles chez François Ier / n°1 )
François rit à pleine gorge :
« Et moi ça me rappelle cette jeune et belle créature de haute naissance qui, à peine arrivée à la cour, se trouva aussitôt en mon lit et prit mon « royal étendard » qu’elle planta en son « fort » avec grande humilité. Soudainement, elle me demanda comment je voulais qu’elle me servit. Je restais coi car bien surpris, alors elle me demanda si je préférais qu’elle me servit en femme bien chaste ou en grande débauchée. Je n’eus point le temps de répondre qu’elle me précisa qu’on lui trouvait plus d’agrément en cette dernière qu’en la modeste. Elle se mit à frotter et à remuer du cul en tous sens ; si bien qu’il y avait longtemps que je n’avais été servi de la sorte ! Se faisant elle me dit milles mignardises, jusqu’à ce qu’elle soulève son trou velu et m’avertisse dans un cri « je coule, je coule ! ». Nous coulâmes de concert dans un excès de débauche dont je suis encore tout esbaudi. »
Montmorency, qui comme moi n’avait pas perdu une « goutte » de la scène, dit galamment :
– Sire, nous comprenons fort bien cette jeune demoiselle ! Aurait-elle voulu faire la modeste qu’elle n’y aurait point réussi devant la royale beauté de votre Majesté et l’incomparable vigueur de sa longue braguette !
François rétorque joyeusement:
– Plaise donc à Dieu que cela fut vrai ! Mais, foi de gentilhomme, il n’en est point et je le sais ; la coquine, une fois son affaire terminée, me recommanda dans une grande révérence quelque avancement pour son mari. Voilà pourquoi on baise le Roy cher amy ! »
Puis il glissa un regard entendu à sa maitresse Anne d’Étampes assise près de lui. Elle semble, contrairement à nous, moyennement apprécier le tour que prend cette conversation.
Voyant cela, Rabelais y met un terme avec finesse en concluant par des vers qui en sont quelques peu dépourvus :
« Si ici mes joyeux compagnons,
Nous avons posé notre cul,
C’est pour banqueter en l’honneur de Bacchus
Et même si nous y perdons râble et croupions,
C’est bien de boire,
Sec et sans histoire. »
Un grand rire général s’en suit, puis tous les convives, dont moi la première, vidons notre verre cul sec dans un joyeux tumulte.
La maitresse en titre me regarde de travers, et ce depuis mon arrivée.
Anne d’Etampes, née Pisseleu, est devenue depuis peu (à mon grand désarroi) la favorite de François Ier. Rien ne me revient chez elle, ni sa blondeur fadasse de navet bouilli, ni sa fausseté de vipère planquée derrière des sourires mielleux.
Ayant tout d’abord opté pour la bienséance, je n’ai pas relevé ses regards torves mais à mesure que les verres s’enchainent, mon agacement se déchaine. Tout à coup j’éclate :
« Dis-donc la Pisse-drue, c’est parce que t’as peur que je me tape ton mec que tu me lorgnes comme ça ?
La belle est interloquée et fait mine de ne pas entendre, je continue de plus belle :
« Non parce que si c’est ça, je préfère crever l’abcès : je me tape qui je veux moi, Madame, François comme les autres, ok ?»
Je suis moi-même surprise de l’irrévérence de mon propos et je comprends à cet instant que j’ai un sérieux coup dans l’aile !
Anne ouvre la bouche et je comprends aussi à cet instant que ça peut partir en vrille.
Heureusement, mon cher Montmorency coupe adroitement Anne dans son élan :
« Allons, allons, Mesdames, je vous sais trop lettrées et raffinées pour ne pas avoir fait vôtres les préceptes d’Erasme qui nous rappellent que la gaîté est de mise à table, et qu’il faut chasser de son esprit toute idée chagrine car dans un repas, il ne faut paraître triste ni attrister personne. »
Mouais… en ce qui me concerne c’est plutôt du Montaigne qui me vient à l’esprit et que j’ai envie de balancer à cette grognasse : « Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul ! »
Je n’en fais rien, non par égard à la vilaine, mais par égard à mon petit Montaigne : ce dernier n’étant pas encore né, je m’en voudrais de lui voler la paternité d’une aussi belle citation.
Quelques hommes et femmes se lèvent pour danser, j’ai bien envie de les suivre mais deux choses me retiennent à table : la musique et mon ébriété. Les chantres, fifres, hautbois, saqueboutes et luthistes font un bruit de crécelle sur lesquels quatre bonhommes poussent la chansonnette. La playlist n’est donc pas vraiment à mon goût (je lui aurais certes préféré un bon Rihanna), mais là est mon moindre mal…
Ce qui me retient surtout c’est la peur de danser (bien éméchée je suis capable de danser sur n’importe quoi !). J’ai en effet peur d’opposer à leur danse savante un coupé-décalé non moins savant, qui leur paraitrait encore plus abjecte qu’une bourrée charentaise. Je me ravise donc à contrecœur, d’autant que mon François est déjà en train d’exécuter d’admirables entrechats.
Je cherche un lot de consolation que je trouve en la personne de Marguerite de Valois, la sœur de François. Cette dernière est assise à l’autre bout de la table, pas grave… Je me lève lourdement : quelques titubements et un verre cassé plus tard, je me retrouve à ses côtés.
« Que me vaut le bonheur de votre voisinage, belle amie ? Me demande-elle avec sa fraicheur habituelle. Ma fraicheur ayant foutue le camp depuis quelques temps, je rétorque laconiquement :
– L’Amour !
– Hélas, mon cher frère serait mieux à même de vous entretenir de pareil sujet !
– Ah ben t’inquiètes, c’est déjà fait ! dis-je dans un rire gras. Non, moi ce que je veux c’est l’avis d’une femme !
– Et bien mon amie, dans ce cas il vous faut interroger ses amours…
– Tu rigoles ? Faudrait que je me coltine toutes les femmes de France et de Navarre.
– Laissez-moi vous détrompez ma chère, il ne les a point toutes eu. Je me rappelle de la petite Volland qui avait fort plu à mon frère. Le sachant de conduite irrégulière et voulant protéger sa vertu, elle se brula le visage au-dessus d’un réchaud de soufre…
– Ben dis donc ! » lançais-je après un long sifflement…
J‘aimerais dire quelque chose de plus intelligent mais rien ne me vient… Ah si :
– Si la Pisseleu pouvait en faire autant !
Je développe mon idée :
– Je ne comprends toujours pas pourquoi ton frère, à bientôt 35 balais, a plaqué sa brune et piquante Françoise de Foix, qui a pratiquement le même âge que lui, pour cette espèce de drôlesse en couche-culotte.
– J’espère que Clément Marot ne me tiendra pas rigueur de citer ses rimes à propos de Melle D’Etampes, mais là réside peut-être la clé du mystère :
« Dix et huit ans je vous donne
Belle et bonne
Mais à votre sens rassi,
Trente-cinq ou trente six
J’en ordonne. »
Il me faut quelques instants pour percuter, puis j’éclate de rire, je croix comprendre que le poème traite Anne de catin : j’adore !
« Redis-moi ces vers que je les apprenne par cœur ! dis-je enthousiaste. Surtout le coup du « tu te crois bonne mais t’es rassie ».
Et d’ici la fin de la soirée, je vais aller les déclamer à la personne concernée, me dis-je en moi-même.
Marguerite lit certainement dans mes pensées, car elle ignore sagement la sollicitation pour se recentrer sur ma quête initiale :
« Il n’est point aisé pour une femme de parler d’amour, rarement elle le ressent et jamais elle ne peut le dire.
– Pourquoi ? Je deviens décidemment de plus en plus laconique.
– Parce que cela n’est pas convenable pour une femme de dire son amour pour un homme.
– Ah ?
Je deviens vraiment très laconique… et pour cause : je n’écoute plus. J’ai les dents du fond qui baignent et les étiquettes qui chauffent.
Est-ce d’avoir trop parlé d’Amour que je me sens tout à coup d’humeur badine ? Trèves de théorie, l’envie me prend de passer à la pratique ! Je braille en me retournant :
« Anne, Anne ! »
La bécasse de François me regarde, très surprise. Peut-être croit-elle que je souhaite reprendre les hostilités.
« Mais nan, pas toi …. l’autre ! » dis-je agacée.
L’autre, c’est évidemment mon joli Montmorency, qui n’a de féminin que le prénom, ce que je me propose d’aller vérifier séance tenante.
« Anne ! Anne ! »
J’appelle, je cherche, je peste, j’insiste, je titube, je tombe, je m’endors….
Notes
Les dialogues de François Ier sont imaginés sur la base de ses propres propos rapportés par Brantôme (écrivain du XVIème siècle).
Les dialogues de François Rabelais sont imaginés sur la base de ses propres propos mais ces derniers étant assez faibles, ils ont été « étoffés » par ceux qu’il a écrit dans son œuvre « Pantagruel ».
Merci à mon ami Clément Dezelus pour sa super illustration de François&Moi
Petit rappel : Le Livre de Poche m'a gentiment demandé de lui écrire une nouvelle sur l’Amour - ça c’est la bonne nouvelle ! La mauvaise : qu’est-ce …
Chers amis, la leçon de libertinage "made in 17ème siècle" continue. Notre deuxième "cours" se tient comme le premier dans les jardins à l'italienne du …
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J’adore tout simplement vos posts et vos recherches !!! Merci pr vos partes si beaux et intéressants !!
Doreen
La nourriture de l’époque, c’était pas du chiqué industriel pré-mâché, adouci, attiédi, etc. Bref des mets forts, pour des rencontres savoureuses.