Cette année je passe mes vacances de Pâques au 17ème siècle, chez ma copine Marie.
Marie est une aristo qui met un point d’honneur à ne pas trahir son nom : De Joyeuse.
Résultat, depuis qu’elle a posé ses valoch’ à l’Hôtel de Guise, que nous autres du 21ème connaissons sous le nom d’Hôtel de Soubise à Paris, c’est la grosse teuf’ !
Enfin, normalement…
Allez hop, c’est parti, suivez-moi !
En ce jeudi d’Avril ensoleillé, je débarque la bouche en cœur, les bagages remplis de mouches et autres accessoires pour me la péter dans les « Joyeuses » soirées de Marie, quand tout à coup, c’est la douche froide !
« Ma mie, m’annonce mon amie, cette fois nos accessoires de galante serviront à séduire Dieu ou ne serviront pas. »
Un brin décontenancée, je m’apprête à répliquer que j’en serais fort aise si le joli duc de Luynes tenait le rôle de Dieu, seulement son air grave me retient :
« Allons bon, qu’est-ce qu’il t’arrive ? C’est parce que tu n’arrives toujours pas à te trouver un mari que tu veux te caser avec Dieu ou quoi ? »
NB : Marie est toujours célib’ à plus de 25 ans, ce qui la fout très mal au 17ème, d’autant qu’elle est la dernière héritière de la famille de Guise. Autant dire qu’on lui met une pression de malade, ce qui la rend… malade. Mais pas longtemps, puisqu’elle s’en console assez bien avec quelques sex friends.
« Hélas mon amie, reprit-elle, ne blasphémez pas en cette période de Carême, cela vous coûterait fort cher à confesse. D’ailleurs, demain c’est Vendredi Saint, il nous faudra faire nos dévotions avec ma famille.
Elle ponctue cette macabre déclaration d’un long soupir…
Pour ma part, cette soudaine piété, très inhabituelle chez mon amie, me surprend sans pour autant altérer ma bonne humeur.
– C’est quoi cette histoire de Vendredi ? C’est Dimanche qui compte, parce que c’est Pâques ! On va fêter la résurrection de ton Petit Jésus aux petits oignons : agneau pascal rôtit aux olives, et en dessert : œufs en choco planqués dans le buis du jardin ! »
Marie secoue sa jolie tête blonde d’un air triste, m’entraine dans son boudoir, me fait asseoir en face d’elle et me prend les mains. Ce cérémonial commence à me foutre les pétoch’… avec raison.
Elle m’explique avec un air de cocker en deuil la signification du Vendredi Saint : jour de la Passion du Christ, les bons chrétiens ont pour obligation de se remémorer sa crucifixion. Ils se doivent de partager ses souffrances en faisant le chemin de croix et…
« Quoi ? On ne peut même plus bouffer ! (moi, faisant un bon de cabri sur mon cabriolet).
Bon, on n’aura qu’à se faire péter le bide aujourd’hui, ça nous aidera à tenir jusqu’à samedi. (moi, recouvrant mon calme et ma sagesse légendaire).
– Non point ma chère ! Nous devons manger maigre en cette période de Carême.
– Oh ça va… le Bon Dieu ne va pas nous punir parce qu’on boulotte 2/3 macarons. Crois-moi, j’ai déjà testé !
– Je me moque bien des punitions divines, là n’est pas la question ! Me rétorque Marie en haussant ses blanches épaules. Mais les braves gens, comme les gens d’Eglise, accordent une telle importance à ces fêtes religieuses que nous pourrions nous retrouver embastillées avant même d’avoir fini nos macarons, ma pauvre amie ! »
Hum… voilà une chose fort contrariante à laquelle je ne trouve point de solution immédiate…
Soudain Marie se rapproche de moi en baissant la voix et prend son air mutin, qui généralement augure d’un bon « gossip » :
« Savez-vous que l’autre jour, me chuchote-t-elle, Madame ma mère m’a conduite au couvent des Capucines pour essayer de faire entrer quelque piété dans ma pauvre cervelle. Mon Dieu, si je m’attendais à ça ! Moi qui pensais m’ennuyer à périr, j’en suis presque à vouloir y retourner…
– C’est pas vrai ! dis-je en la coupant, ils ont réussi à te convertir et vl’à que tu veux être bonne sœur ? C’est donc pour ça que tu me rabats les oreilles avec tes bondieuseries depuis mon arrivée !
– Ma mie, faites-moi savoir quand vous aurez cessé de faire votre Commedia Dell’arte, que je puisse finir mon récit !
Je me tais devant la soudaine mise en lumière de mon vilain défaut.
– Bon, et bien figurez-vous que j’y ai vu des choses à peine croyables : des nones en plein délire disaient vivre la Passion du Christ et se mettaient à saigner des membres et du flanc tout comme Lui ! Sans parler d’une autre qui se prive de toute nourriture depuis des mois, et qui cependant engraisse comme une oie !
Elle dit s’alimenter uniquement d’un breuvage fait de saintes reliques macérées dans une vilaine piquette coupée d’eau … Marie lance un coup d’œil furtif autour de nous avant de conclure : il se passe dans ce couvent des choses surnaturelles à vous faire dresser les cheveux sur la tête !
Rhooo ! Mon intérêt est piqué au vif, puis porté à son comble lorsque Marie ajoute, mi-effrayée, mi-amusée :
– Et encore, de l’aveu de ces religieuses, il paraît que tous ces phénomènes sont portés à leur paroxysme le Vendredi Saint.
Elle n’a pas le temps de finir sa phrase que je m’écrie :
– Allons-y !
– Vous n’y pensez pas ! Demain nous devons assister, avec Madame ma mère et mes oncles, au traditionnel chemin de croix, puis le soir à la messe des Présanctifiés. Sans compter que Mère a fort mal pris les événements dont je vous parle, déclarant haut et fort qu’il s’agissait là de quelques diableries. Sur quoi elle m’a interdit d’y remettre les pieds.
– Raison de plus pour s’y pointer ! » Dis-je exaltée.
Après concertation nous convenons que, malheureusement, Marie ne pourra pas échapper à la traditionnelle réunion de famille sous peine de manger, même pendant Carême, un soufflet dans sa jolie face d’aristo. Mais quant à moi, qui suis prolo, je risque moins le courroux des Guises ; encore faut-il que nous échafaudions un plan pour que je puisse être amenée dans ledit couvent en cachette, afin de ne pas déclencher l’ire de la très chrétienne Madame sa mère (qui, soit dit en passant, ne me porte pas dans son très chrétien cœur…).
Ainsi fut fait.
– Fin du premier Verset –
La véridique et stupéfiante suite au couvent des capucines, la semaine prochaine…
Notes
Ai-je encore besoin de mentionner que tous les personnages sont réels (et dont un encore vivant : Bibi !), tout comme les surprenantes déclarations de Marie de Guise, duchesse de Joyeuse, concernant l’ascèse et les stigmates du Christ observés chez certaines soeurs. Catherine de Sienne est un exemple historique parmi tant d’autres. Ces témoignages nous proviennent de biographies de religieuses ou de « rapports » d’historiens des stigmatisés du 17ème siècle. Ce siècle est en effet « THE » période du renouveau mystique et de la stigmatisation. Certaines religieuses n’hésitent pas alors à s’enfoncer des clous dans les mains et les pieds lors de visions pour « revivre » la Passion du Christ.
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j’adore les ptites histoires pas historiques de cette fille…Une nouvelle àsuivre quand t’as rien à lire, et tout ça simplement et sans prétention… Merci l’écrivaine…
Super, la montant en puissance de l’intrigue! j’attends le prochain épisode avec impatience.
Qu’elle se marie cette Marie, elle pourra toujours tromper son mari, comme il « va de soi ». Moi, je passe mon tour, et si on pouvait me dire si on peut accéder a mes demandes :
1 – excuses publiques a D. de la part de ceux qui l’ont menace
2 – en parlant d’adultère qu’une personne, a qui je tiens, sache de quel bois pourri est fait sa « compagne ».
Le prix, fort bas pour vous hein, du silence.
Si je pouvais avoir une réponse rapide, je n’attendrais pas des semaines, disons d’ici a dimanche 13 avril 2014.