Mes chers amis, je suis très fière de vous annoncer que Histoire Très Personnelle a publié sa première nouvelle, dans un livre qui s’intitule « Putain D’Amour » et qui parle… ben oui, d’Amour !
– Petit aparté –
Entendu de ma grand mère : « De mon temps, quand on parlait d’Amour, ça s’appelait l’Education sentimentale, ou le Lys dans la Vallée… on savait encore écrire à cette époque »
Entendu de ma bouche : « T’inquiète Mamie, ils ont oublié de me citer sur la couverture »
Mamie : « Tant mieux, l’honneur est sauf ! ». (Note pour plus tard : faire un recueil des répliques de ma mamie).
Donc voilà, le livre doit paraître pour la Saint-Valentin. Mais entre nous, mes lecteurs chéris, c’est la Saint-Valentin tous les jours, non ? Alors fi du 14 Février, aujourd’hui je vous dis tout sur l’Amour… Enfin pas tout d’un coup, ça risque d’être un petit peu trop fort. Car l’Amour chez Histoire Très Personnelle, c’est comme un bon Whisky, à petite dose c’est jouissif, à grosse dose ça fait gerber.
Commençons donc par une petite gorgée de Ninon de Lenclos.
Allez, hop, c’est parti, suivez-moi !
(texte original dans sa version complète )*
Mes amis, je suis fort ennuyée, figurez-vous qu’un grand nom de l’édition m’a demandé d’écrire sur l’Amour.
C’était il y a un mois, et depuis j’ai écrit… j’ai effacé, puis j’ai re-écrit… puis j’ai re-effacé. Résultat des courses, je n’ai rien écrit.
Bon, puisqu’on est entre nous, je l’avoue : sur le coup j’ai fait ma crâneuse, je leur ai répondu un truc du style : « L’Amour ? Mais c’est un thème extraordinaire ! Il y a tellement de chose à dire… »
Et patatra… Depuis, j’ai perdu de ma superbe intello-crâneuse, et une question me taraude : qu’est-ce que j’y connais, moi, à l’amour ? Réponse : rien ou presque…
Voyez-vous même :
1988 : j’ai 5 ans, premier « pas » en amour : un petit garçon veut me faire un bisou, je ne veux « pas », je lui mets une beigne.
Je découvre l’Amour sadique…
1996 : j’ai 13 ans, je lis « Fort comme la Mort » de Maupassant : Ca y est ! Je crois savoir ce qu’est l’amour : une folie furieuse ! Depuis j’ai découvert que c’est l’auteur qui était un fou furieux.
Je découvre l’Amour romantique…
1998 : j’ai 15 ans, premiers amours :
On se dit « je t’aime pour la vie » pendant 6 mois, on se dit « cette fois, j’te quitte » pendant 3 mois, je chiale en me disant « tous les hommes sont des salauds » pendant… longtemps.
Je découvre la vraie vie et le Xanax.
2003-2006 : j’ai 20 ans, premier plan cul. Puis deuxième, puis troisième, puis quatrième, puis… j’ai arrêté de compter.
Je découvre… que je suis une salope.
2013 : J’ai atteint l’âge de raison, j’ai enfin de vraies amours : mon chat, les cheesecakes et mon sac Chanel.
Je découvre… que je ne peux pas écrire sur l’amour.
Voilà ! Vous venez de comprendre… que mon éditeur risque d’attendre longtemps son papier sur l’Amour et moi je risque d’attendre longtemps la renommée (et le pognon !)…
Bon, passons à une stratégie différente :
Et si nous allions rendre visite à ma bande de potes pour les interroger sur le sujet ?
Je pense notamment à deux ou trois joyeux drilles de derrière les fagots ; ils s’y connaissent tellement bien en Amour qu’ils en ont marqué l’Histoire de France ! C’est vous dire…
Du coup, vous devez peut-être les connaitre : François Ier et Ninon de Lenclos, ça vous dit quelque chose ? (Lire Domaine de Villarceaux)
Rhooo… et tant qu’on y est, j’aurais même envie d’aller aussi faire un cocu… euh… coucou, à mon ami le Marquis de Sade. Nous irions dans ses bordels visiter ses amours plurielles, homosexuelles, transgénérationelles… mais je ne suis pas sûre que toutes ces « elles », et dieu sait qu’il y en a eu un certain nombre, fassent vraiment kiffer mon éditeur… (si vraiment vous y tenez, c’est ici que ça se passe : It’s Sade, so sad Acte I ; Acte II ; Acte III )
Enfin bref, déjà avec ces deux « champions » je pense qu’on tient une fine équipe ! Et si, grâce à eux, je ne fais pas péter un papier sur l’Amour en moins de deux, je rends mon tablier d’écrivain !
Voyons voir… il doit être environ 14h au 17ème siècle, et je parie que cette coquine de Ninon est encore à poil en train de nous la jouer « Naissance de Vénus » dans les bassins du domaine de Villarceaux. Perfect time pour parler cul… euh… Amour
– Domaine de Villarceaux – Juillet 1654 – 14h30 – Le soleil brille, j’ai la patate.-
Nous voici dans le magnifique domaine de Monsieur le Marquis de Villarceaux
« Capitaine de la Meute des 70 Chiens courants pour le Lièvre et le Renard de Louis XIV et … » on s’en cogne ! Ce qui nous intéresse ici c’est son nouveau titre : Amant de Ninon de Lenclos depuis 2 ans, autant dire l’éternité pour celle qui a l’habitude de dire à ses nouvelles conquêtes : « Je crois que je t’aimerai trois mois, c’est l’infini pour moi ».
Est-ce à côtoyer ses clébards que le beau marquis est devenu lui-même un des meilleurs chiens de chasse à « cour » ? Toujours est-il que le sieur bénéficie d’un flair sans pareil pour débusquer les plus belles proies à la cour du roi soleil, et les accrocher à son tableau de chasse.
Pourtant, depuis que l’animal est entrée dans l’enclos de la jolie Lenclos, le voici tout énamouré au point d’enlever sa belle pour la déposer dans l’écrin de verdure de son domaine de campagne ; endroit plus propice à cacher (et surtout consommer) ses amours coupables.
En effet, notre débauché de marquis est fort marié, ce dont notre mignonnette semble fort peu marrie.
Car si j’ai choisi Ninon pour parler Amour, voyez-vous, ce n’est pas pour déblatérer sur ses états d’âme concernant une liaison extra-conjugale, car tout d’abord elle n’en a aucun et parce qu’ensuite ce fait est d’une banalité assommante, surtout parmi mes amis historiques.
Ninon est d’un autre acabit, beaucoup plus corsé, comme en témoigne son CV amoureux :
Dépucelée à 16 ans par consentement mutuel (mais certainement pas par un abruti de mari ce à quoi elle ne consentira jamais), elle compte le cardinal de Richelieu parmi ses amants de bonne « foi » et de bonne famille, dont elle enchaine les conquêtes au rythme de leur compte en banque.
Puis, arrive un jour où fatiguée de s’entendre appeler « courtisane », elle décide, non pas de se ranger, mais de redorer le blason de la profession en y apportant quelques changements de son cru… Voilà qui fait sa grande particularité, en plus de sa belle particule.
Mais je ne vous en dis pas plus, car justement la voici.
C’est bien ce que je pensais : elle nage dans l’eau limpide d’un grand bassin rond, au milieu duquel un petit jet d’eau fait entendre son gargouillis cristallin. Un labyrinthe compliqué de buis entoure si bien ce bassin, que j’hésite un instant sur le chemin à prendre.
Ninon, apercevant la scène, me lance en guise de salutation :
« Ne faites point votre précieuse et enjambez-le donc ! Vous accorderiez à ce petit buis une bien belle faveur !
– Je ne voudrais pas que ses tiges s’allongent ou se durcissent, répliquais-je d’un ton tout aussi grivois, ton jardinier ne serait pas content…
– Et vous fort contente certainement, voilà l’essentiel ! me dit-elle en riant tout en sortant du bassin. »
Venant à ma rencontre ruisselante d’eau, je fixe malgré moi ce corps nu ferme et voluptueux qui s’offre aux regards sans pudeur, et la blancheur de cette peau satinée sur laquelle dansent des gouttes qui semblent ne pas vouloir se décrocher (et oh combien nous les comprenons !).
Une perle parée de diamants ne m’aurait pas plus éblouie ; d’autant que le soleil, lui-même émoustillé, darde violemment ses rayons sur ce magnifique corps d’albâtre.
« Ben tu m’étonnes qu’ils alignent le pognon, tes gaillards ! » me dis-je en moi-même.
Ninon est maintenant occupée à nouer un déshabillé en voile de soie blanche qui se plaque sans façon sur ses seins et son ventre mouillés. Je ne sais si de la nudité ou de ce déshabillé, lequel est le plus affriolant.
La belle me prend par le bras et m’arrache du même coup à mes réflexions lubrico-existentielles, me ramenant à une considération beaucoup plus importante selon elle :
« Ne restons pas là, si nous ne voulons point brunir comme des valets. »
Je lui réplique que j’ai mis mon indice 50, ce qui ne semble avoir aucun impact car elle m’entraine vers un joli salon de verdure ombragé et parsemé de fleurs.
Elle me fait remarquer comme tout respire l’amour ici, depuis les arbustes galamment enlacé jusqu’aux collines qui élèvent leur vert gazon jusqu’au ciel et semble vouloir faire l’amour aux nuages.
Cette métaphore venant à propos et s’ajoutant au nichon qui pointe insolemment sous le peignoir, je zappe les préliminaires de la conversation pour aller droit au but :
« Parle-moi d’Amour Ninon !
Un brin surprise, elle me considère un instant au travers de ses longs cils noirs :
– Et bien, ma mie, seriez–vous à ce point en peine de galant pour me réclamer de vous conter fleurette ?
Je ris et rétorque :
– Je n’en aurais pas les moyens, darling ! Et si je dois attendre ton bon plaisir comme ce nigaud de Compte de Chavagnac que tu fais poireauter depuis des années…
– Il n’a point à s’en plaindre me semble-t-il ! Nous faisons l’amour courtois, voilà tout…
– Ah bon, et qu’est-ce que ton amour courtois ? Faire du touche-pipi pendant la messe, planqués sous le missel en récitant un Pater Noster ?
– Nous faisons l’amour avec l’esprit ! Et que Dieu me garde de trop fréquenter sa maison, surtout pour ce genre d’affaires là !
– Tiens, depuis quand un lieu saint te gêne-t-il ?
– Depuis qu’il est trop malcommode, je lui préfère la mollesse de mon salon.
– Ah, tu me rassures, j’ai cru que tu étais devenue bigote !
– Alors il m’aurait fallu renoncer à l’Amour ! Car voyez-vous mon amie, l’Amour comme je l’entends s’accorde mal avec Dieu. Fait étrange, ce génial créateur nous a pourvu de parties génitales, seulement il semble grandement se courroucer de leur usage en dehors du cadre restreint du mariage, et encore… doivent-elles s’utiliser de manière fort rapide et fort médiocre.
Or, le mariage ne fait pas partie de mes prérogatives, quand l’utilisation de mes parties l’est presque quotidiennement. Dieu ne m’a donc laissé d’autres choix que de le quitter. J’ai depuis, ma chère, fort peu de lutte entre ma conscience et mes actes, ce dont je me félicite quand je vois l’embarras de mes homologues féminines.
Elle me sourit puis conclut :
« Finalement, plutôt que d’attendre un supposé paradis céleste là-haut, j’ai préféré me créer un paradis terrestre ici-bas ! »
To be continued …
Notes
* Le texte est présenté ici dans sa version complète, ce qui n’est pas le cas dans le livre où certains passages ont été « coupés » par l’éditeur.
Pour ceux qui seraient intéressés par le livre, c’est par ici : Putain d’AmourLes photos et l’illustration ont été réalisées par mes grands amis et surtout grands artistes :
Maxime Stange (Photos)
Clément Dezelus (Illustration)
Ce soir c'est méga-banquet à Chambord ! (Lire Ripailles chez François Ier / n°1 ). Et quand François Ier reçoit ça donne : Des invités triés sur le …
Petit rappel : Le Livre de Poche m'a gentiment demandé de lui écrire une nouvelle sur l’Amour - ça c’est la bonne nouvelle ! La mauvaise : qu’est-ce …
Chers amis, la leçon de libertinage "made in 17ème siècle" continue. Notre deuxième "cours" se tient comme le premier dans les jardins à l'italienne du …
Ravie d’avoir eu le privilège de lire l’intégralité de votre texte. L’amour, revu dans votre style inimitable eî en collaboration avec Ninon, devient léger, et sans prise de tête ce qui est très rafraîchissant!
Comme toute découverte, j’ai découvert votre site par hasard. Christophe Colomb, qui dans les brumes et les tempêtes, au terme d’un incroyable voyage a fini par accoster sur une terre. A son instar, l’homme d’aujourd’hui, peut, et a moindre frais (abonnement à un FAI et un ordinateur) faire des voyages et des découvertes pareillement étonnantes. Le clavier en guise de navire, nous naviguons sur ce nouveau océan appelé la « toile », beaucoup aveuglement, certains avec un regard aiguisé et une oreille attentive. Ceux-là ont chance de découvrir des sites comme les vôtres, « truc de ouf » comme vous dites, en effet, quels voyages et quels personnages, sirènes, requins impatients, migrations de canards, ombres ou fantômes au clair de lune – la fiction dépasse évidemment la réalité, mais quand même. Il faut être bien accroché a sa raison, comme Ulysse (encore une histoire de voyage) à son vaisseau, dans les tempêtes de la « toile ». Pour finir (et désolé pour ma franchise) je trouve votre dernier billet de moindre qualité, est-ce peut-être dû à la médiocrité du personnage principal, qui, bien que d’histoire ancienne, est d’essence moderne, c’est-à-dire triste et nihiliste. Je serais, à mon compte déçu d’un résultat aussi médiocre, à l’issu de tels voyages, a contrario, aussi extraordinaires.