Je l’avoue, j’ai été, peut-être comme certains d’entre vous (ça me rassurerait) une vilaine hérétique médisante. Je tenais Jeanne la pucelle pour une petite prude, certes courageuse, mais quand même bien schizo, dont la France nous rabattait les oreilles. Puis, un jour, je me suis décidée à étudier la Jeanne sous toutes les coutures.
J’ai deux révélations à vous faire :
1/ Elle est vraiment pucelle – si, si ! (mais on s’en fout)
2/ C’est une grande, très grande âme qui n’a que peu d’équivalent dans l’Histoire (et encore moins en 2013, sinon on serait peut-être moins en crise – Messieurs les dirigeants, si vous me lisez…)
En parcourant son histoire, et bien que j’en connaisse la fin par cœur, je me disais : « non, ce n’est pas possible, elle ne va pas mourir comme ça ! », et j’ai eu envie de chialer… (Ça m’a fait pareil avec Henri IV).
Enfin bref, j’ai été touchée par la grâce de cette Sainte, et vous allez comprendre pourquoi.
Allez hop, c’est parti, suivez-moi !
Depuis quelques temps je traversais les siècles à la recherche de Jeanne, et j’ai enfin atterri au début du 15ème siècle. J’y trouvais des Anglais à Paris et la France déchirée par une guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs.
Stupéfaite, et ne comprenant pas tout ce qui se passait, je finis par demander des explications aux passants :
« Mais Madame, vous ne savez donc pas ? Nous sommes en pleine guerre civile ! Les Bourguignons se sont alliés aux Anglais pour mettre ces derniers sur le trône de France ; tandis que les Armagnacs, de la famille du roi, se battent pour y mettre le dauphin, le petit Charles VII.
– Heu… mais si Charles VII est le dauphin, n’est-ce pas naturellement qu’il doit succéder à son père ? Et qui sont ces Bourguignons d’abord ? Parce qu’à part du bœuf mariné au vin rouge, je ne vois pas…
– Madame, vraiment ! Avez-vous pris une drogue quelconque ?
– Ben non, pas là…
– Est-il possible que vous ne sachiez pas que Charles VI, dit le fol, n’avait point toute sa tête et qu’avant de mourir il déshérita son fils et maria sa fille au roi d’Angleterre ? Le pauvre petit n’a eu d’autre choix que de se réfugier au sud de la Loire, pour échapper aux Anglais et aux Bourguignons. Ces derniers sont de puissants seigneurs détenant la Bourgogne, la Flandre et même de grands domaines aux Pays-Bas. Ils sont les fervents partisans des Anglais en cette guerre de 100 ans, car grâce à eux, ils entretiennent des rapports commerciaux très juteux. En s’alliant aux Anglais ils sont devenus les maîtres d’une grande partie de la France.
– Attendez, j’hallucine ! On s’est fait envahir par des rosbifs soutenus par du bœuf mariné, et on compte sur de la picole, vos « Armagnacs » pour défendre le royaume ? Et ben, on n’est pas sorti de l’auberge, c’est le cas de le dire… »
Très contrariée par cette situation des plus tragiques, je continuais ma route à la recherche de la jeune Jeanne. Je finis, non sans mal, par arriver à Domrémy ; quand on n’a pas Google Maps, je ne vous dis pas ! (ça ne capte pas depuis le 15ème, pfff…)
C’est là qu’elle vit, dans un petit village des Vosges paumé au milieu de grandes forêts.
Près de l’église, j’aperçois enfin la ferme de ses parents. Là, dans le jardin, se tient une jeune fille d’environ seize ans. Je la reconnais immédiatement, c’est elle ! Elle a un beau visage calme, de longs cheveux châtains clairs qui encadrent une figure halée par le soleil. Elle parle de sa voix douce aux oiseaux qui viennent se poser tout à côté d’elle.
Je m’approche (et fais envoler les oiseaux, zut…) :
« Bonjour, es-tu Jeanne ?
– Oui, c’est le nom que m’ont donné mes parents, mais ici les gens m’appelle Jeannette.
– J’aimerais apprendre à te connaitre Jeannette.
– Pourquoi donc ? Je ne suis qu’une pauvre paysanne, voyez donc mes habits… Je ne sais point lire ni écrire et je n’ai pour seule occupation que d’aider ma mère dans les travaux de ménage.
Soudain son visage s’éclaire : Bien sûr, je vais aussi beaucoup prier à l’église ou dans la forêt.
– On m’a rapporté, effectivement, que tu étais bien pieuse et que tu aurais même entendu Dieu te parler, est-ce vrai ?
– Non, ce n’est pas Dieu directement, mais c’est sa parole qu’il me fait connaitre à travers Saint Michel et les Saintes, Catherine et Marguerite. »
Je restais déconcertée par la simplicité et la sainte candeur qui se dégageaient de cette jeune fille. Moi, ayant d’ordinaire la plaisanterie facile et le langage peu châtié, je n’arrivais pas, malgré moi, à manifester autre chose qu’une gravité respectueuse.
« Et comment cela s’est-il manifesté ? Depuis combien de temps l’entends-tu ?
– Et bien, un jour d’été, qui était jour de jeûne, je me trouvais dans ce jardin. Je devais avoir 13 ans environ. Il était vers midi quand je vis une lueur éblouissante. Comme je m’approchais pour voir ce que c’était, une voix s’éleva : Jeanne, me dit-elle, sois bonne et sage enfant, va souvent à l’église. Mais je ne vis personne, j’eus alors très grand-peur ! Plus tard, la voix s’est de nouveau manifestée, elle me dit : Jeanne, va au secours du roi de France, et tu lui rendras son royaume. Cette fois-ci m’apparurent les nobles figures des Saints. Alors, je compris…
– Comment as-tu réagit ?
– J’étais pétrifiée, je ne pus retenir mes larmes et je leur dis que je n’étais qu’une pauvre fille qui ne saurait chevaucher ni conduire des gens d’armes. Je n’avais point le cœur d’abandonner mon père et ma bonne mère, ni mes frères et ma sœur. Alors, Saint Michel me redonna du courage et me raconta la pitié qu’il fallait avoir pour le royaume de France.
Quand ces belles figures disparurent, j’éprouvais une grande tristesse, car j’aurais bien voulu que ces anges m’eussent emportée. »
A ma grande surprise, j’étais moi aussi super émue à son récit. Pour me donner bonne contenance et cacher mon émotion, je rajustais ma robe (qu’est ce que ça donne chaud tout ce velours !) et je lançais tout à trac :
« As-tu parlé à quelqu’un de tout ceci ?
– Pendant des années je n’ai rien dit à personne, j’avais peur qu’on me prit pour folle. Et puis, je ne m’en sentais pas la force. Enfin, un jour je dis à mon père que le Seigneur commandait que je pris les armes pour sauver notre royaume. Il me répondit que si je m’en allais avec des gens d’armes, il préférait encore me noyer de ses propres mains…
– Ah oui, quand même ! Qu’as-tu fait alors ?
– Je suis allée trouver mon oncle. Il accepta de m’aider. Comme je le lui demandais, il alla trouver le Sire Beaudricourt, capitaine de Vaucouleurs, aux ordres du dauphin. Il lui dit tout.
– Plutôt cool, ça ! Pardon… Quelle joie ! Qu’a dit le Sire ?
– Qu’il fallait me ramener chez mon père bien souffletée…
– C’est moins cool, ça… Et que comptes-tu faire maintenant? Tu me sembles bien seule et bien frêle pour porter un tel poids.
– Oh oui, je le sais bien, mais je n’ai point d’autre choix. Demain, je ferai mes adieux à ma famille et à mes amis, puis je quitterai mon village.
– Ah bon ? Sont-ils au courant ?
– Non
– Puis-je t’accompagner ?
– Comme il vous plaira, et que Dieu vous protège. »
Bon, puisqu’elle vient de partir, je peux vous le dire : je flippe sévère à l’idée de la suivre ! Ça sent le roussi cette histoire…
Mais que voulez-vous, il y a comme une force magnétique qui attire irrésistiblement vers cette belle âme, que l’on sent hors du commun.
Fin de la première partie
Prochainement en deuxième partie : « Le grand voyage de Jeanne d’Arc »
Notes
Tous les dialogues de Jeanne d’Arc sont retranscrits le plus fidèlement possible sur la base des déclarations qu’elle fit lors de son procès qui dura du 21 février au 23 mai 1431
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Si tu aime les belles âmes, tu peux aussi lire la biographie d’Elisabeth de France, sœur de Louis XVI.
Par contre, il me semble que Jeanne d’Arc vient d’une famille relativement aisée pour l’époque (son père était un petit propriétaire terrien).
Bonne journée