Chers spectateurs, merci d’être de nouveau parmi nous pour ce troisième acte. Je salue votre ouverture d’esprit, votre résistance morale et votre appétit lubrique (ça va, faites pas les innocents !), grâce auxquels vous avez assisté aux précédents actes de cet opéra sans faillir ni défaillir.
Pour les retardataires, dépêchez-vous de lire l’acte I et l’acte II de « It’s Sade, so sad ».
Veuillez s’il vous plait, regagnez vos places pour le bouquet final de cet opéra.
(Pour ceux assis au premier rang, je leur conseille de se protéger des éventuelles giclures de sang et de… enfin, vous verrez bien !).
Silence, ça commence !
Opéra “It’s Sade, so sad”
Acte III : En Aïe Mineures
Marseille, 1772 (Sade, 32 ans)
5 prostituées entrent en scène.
En cette journée de juin, déjà chaude (et qui va le devenir encore plus), Latour, le fidèle valet du marquis, récolte des demoiselles dans les rues afin de satisfaire l’appétit fantaisiste de son maître ; tâche point trop compliquée en ce terreau fertile qu’est le port de Marseille.
Il cueille 4 jeunes, très jeunes prostituées, ainsi qu’aime les déguster le marquis.
Elles sont amenées dans une « petite maison » (hôtel de passe) dans laquelle se déroule la scène.
C’est Marianne, une jeune et jolie lyonnaise qui sert d’amuse-bouche.
Refrain (lire l’acte I et l’acte II ) :
Sade introduit la jeune fille dans une pièce de la« petite maison » qu’il ferme à clé.
Comme il est coutume dans ce refrain : la fille est déshabillée puis fouettée avec application par un Marquis hautement lubrique.
Petite variation de notes plus « graves » : Latour, le valet, est présent. Pendant que le marquis fouette la fille d’une main, il manualise (masturbe) son valet de l’autre.
Descendons encore dans les graves :
Sade très excité lance à Marianne : « Maintenant que je suis à point, tourne toi que je te pédique (sodomise) ».
Refus outré de la jeune fille.
(Je précise pour les spectateurs qui ne comprendraient pas la raison d’un refus, surtout outré – bandes de dévergondés – que l’acte sodomite, à cette époque, est une grave atteinte à la loi et à Dieu. Il est puni de peine de mort. C’est un châtiment bien plus terrifiant pour la victime que des coups de fouet).
Sade : « Peut-être les coups de fouet t’ont-ils échauffé la cervelle. Prends donc quelques bonbons à l’anis pour te rafraichir. »
Ces bonbons à l’anis sont en réalité enrobés de cantharide (poudre de mouche espagnol) réputée pour être un aphrodisiaque aussi puissant que toxique. Il l’incite à en manger beaucoup, elle en avalera 8.
En attendant les effets souhaités sur la demoiselle, le marquis entend bien garder les siens intacts. Pour cela, il lui demande d’être fouetté avec son martinet « maison », dont les lanières sont garnies d’épingles.
Retourné contre la cheminée pour y recevoir sa piquante fessée, notre Marquis grave consciencieusement le nombre de coups reçus, avec le petit canif que nous lui connaissons bien (Lire it’s Sade, so sad, Acte II). Ainsi peut-on lire 215, 225, 240… (ce manteau de cheminée existerait toujours à Marseille et l’on pourrait toujours y voir les chiffres gravés).
Après quoi, peut être las d’attendre les effets de ses « douceurs » sur la demoiselle, il prend son parti de la prendre en toute simplicité. Toutefois, n’abandonnant pas l’idée de l’acte sodomite, à défaut de pouvoir l’administrer, il se résout à le recevoir de la part de son valet, et ce tout en forniquant sa belle.
Il faut croire qu’il n’en « tira » pas une entière satisfaction car il appelle la deuxième jeune fille, Rose, qui après avoir reçu les coups de fouet réglementaires, est retournée sur le ventre et troussée par le derrière.
Puis vient le tour de Marianette, mais celle-ci se cabre d’entrée en voyant le spectacle des martinets couverts de sang. Elle ne veut pas se laisser chevaucher, ni cravacher, la vilaine !
Notre cavalier gentilhomme rappelle alors sa docile pouliche Marianne, qui devrait maintenant être éperonnée par l’effet des bonbons à la cantharide. Bingo ! Elle se montre enfin des plus coopératives.
En guise d’échauffement elle reçoit de nouveau le fouet, puis est montée de manière fantaisiste par un Sade décidément infatigable : après être sodomisée, cette dernière doit irrumer (pratiquer une fellation) tantôt le marquis, tantôt le valet. Devant l’ardeur de la pouliche, ce dernier est également invité à la chevauchée fantastique, Yaaaaah !
Tout cela eu pu rester un secret d’alcôve, comme il en était finalement bon nombre dans ce grand siècle du libertinage.
Seulement voilà, le marquis commet une erreur fatale, et pas vraiment celle à laquelle on aurait pu s’attendre :
le lendemain de ces égarements, l’ogre sadique veut remettre le couvert.
C’est une certaine Marguerite qui sera au menu. Mais avant de se farcir la belle plante, il souhaite la farcir de ses fameux bonbons à la cantharide.
Il y réussit cette fois si bien que la goulue en avale une énorme quantité. Mais alors, après que le marquis eut « jouit d’elle par derrière et de plusieurs autres manières toutes plus horribles » (ainsi qu’elle le déclarera à la police), elle se met à vomir en abondance des « matières noirâtres et sanguines » !
La jolie fleur, folle de terreur, crie dans les rues de Marseille à qui veut l’entendre qu’elle a été empoisonnée. Elle ne sera que trop entendue, surtout dans une ville qui a de grandes oreilles, et une bouche encore plus grande ! La rumeur monte, la rumeur gronde, la rumeur éclate.
Notre joli (forni)coeur, de mécréant sodomite (lire l’acte I), d’écorcheur fou (lire l’acte II), devient empoisonneur de jeunes filles.
C’est ainsi que se ferme le rideau sur un ténor du sexe hors norme et que s’ouvre celui du barreau (de prison) derrière lequel il passera les 28 prochaines années.
Dans une dernière révérence, il lance à son public :
« Je suis impérieux, colère, emporté, extrême en tout, d’un dérèglement d’imagination sur les mœurs qui de la vie n’a eu son pareil, athée jusqu’au fanatisme, en deux mots me voilà, et encore un coup, ou tuez-moi ou prenez-moi comme cela ; car je ne changerai pas »
Fin de l’Opéra “It’s Sade, so sad” où « The hardest word seems to be sorry »…
Notes
Tous les (for)faits relatés ici sont véridiques et ont vraiment eu lieu (attestés dans les procès verbaux).
Les dialogues sont retranscris sur la base des déclarations des plaignantes figurants dans les procès-verbaux.
Le dernier monologue de conclusion est celui du Marquis de Sade tel qu’il l’a lui-même prononcé.
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Bien documenté et traité avec le ton qui sied vu les faits à relater!
Fin de mes lectures pour ce soir, ce fut assez épique et le ton s’y prête bien (non, je ne parle pas de Marianne!)
Tout me laisse penser que finalement, au vu de la dépravation qu’est celle de l’apogée de la pornographie-google de notre époque, Sade était un Rocco perdu dans un autre temps…
Voilà pour la réflexion du soir, merci pour ce brillant article!