- Nous sommes au 17ème siècle, au château de Maisons-Laffitte, où je rends visite à un ami de longue date : René de Longueuil.
C’est un homme brillant, qui a tout pour plaire : des jobs de folie (président du parlement, ministres des finances…), des potes incroyables (Louis XIII, Richelieu...) et une maison hallucinante : le château de Maisons, un véritable chef d’oeuvre !
Et pourtant, mon illustre ami dit avoir tout perdu… le jour où son épouse est morte.
Depuis que Madeleine de Crévecoeur est partie subitement à 26 ans, il est inconsolable...
Cette jolie dame portait un peu trop bien son nom, si bien que j’ai eu envie que ça change, de « Crève-coeur » passons à « Haut les coeurs » !
Allez, hop, venez voir ! - - Hey, René ! J’ai une surprise pour toi, tu vas halluciner !
- Votre présence chère Ariane est déjà une bien belle surprise en soi…
- Tatata ! Viens, je t’emmène au 21ème siècle où Madeleine t’attend.
- Pardon ma chère ? Auriez-vous perdu l’entendement ! Vous savez pourtant que je n’ai point le coeur à plaisanter sur ce sujet…
- Tu m’étonnes que je le sais, regarde toi : tu ne veux même pas te remarier et tout ton château est rempli du souvenir de Madeleine… Or la seule personne qui manque ici, c’est elle. Il fallait y remédier.
Tiens, regarde, la voici qui arrive !
- Mais… c’est impossible…
- Si, si ! je l’ai ressuscitée le temps d’une journée. - - Par contre l’ami, on est en 2013 et ton domaine a un peu morflé depuis 1650. Le grand parc à la française, la forêt de 300 ha, les superbes écuries : Finito !
- Mais… serait-ce possible ?
- Ahlala… ne m’en parle pas, moi aussi ça me rend malade ! Un enfoiré de financier, (encore un, tiens !) du nom de Laffitte a racheté le château au 19ème et n’a rien trouvé de mieux que de parcelliser le terrain et vendre les pierres des écuries pour y coller des maisons... Heureusement l’État l’a récupéré au 20ème, du coup on peut même le visiter !
- Vous ne m’avez pas compris, je parlais de Madeleine ! Serait-ce bien elle ?
- Ben c’est à toi de me le dire, t’es drôle !
- Oui, elle n’a pas changée, elle est sublime. Mais quelle curieuse tournure...
- Les robes à paniers et les cheveux talqués, c’est plus trop la mode mon vieux. - - Regarde ! Elle vient de s'installer dans le superbe escalier de ton copain François Mansart ! C’est vrai qu’il l’a détruit et reconstruit plusieurs fois ?
- Haha, oui, c’est vrai ! Ainsi que toute une aile du château.
- Il n’était pas un peu « control freak » le François ? En plus ça a du te coûter bonbon ses lubies !
- C’est chose curieuse que le tout Paris semble si fort occupé de mon château. Les uns louent le génie de mon architecte, les autres raillent ses « lubies », comme vous le dites, qu’ils appellent ses « mansarades ». Mais enfin, qu’importe... Cet escalier est une prouesse car Monsieur Mansart a réussi à le faire reposer sur la lumière. Point de mur, point de pierre, seulement la magie du néant. Quel bonheur que Madeleine voit enfin tout cela… - - D'ailleurs en parlant de Mansart, sais-tu qu'il a eu une lignée digne de son nom grâce à son petit neveu Jules Hardouin-Mansart, premier architecte de Louis XIV ? C’est rare que l’Histoire retienne deux noms dans une même famille. Quoique... en général elle retient le premier pour ses exploits et le deuxième pour ses conneries...
- J’ai bien connu le petit Jules et je ne suis point surpris par ce que vous me dites-là.
- Pourquoi ? Parce qu’il faisait des châteaux de sable qui ressemblaient à Versailles ? Hihi !
- En effet ma chère, cela ressemblait fort à Versailles parce que C'ÉTAIT Versailles !
- Suis-je bête ! Tu as évidemment connu Versailles puisque Loulou XIV t’a même nommé intendant du château… - - Ah... la salle de bal ! Il faut absolument que tu me racontes la méga teuf que tu as faite pour l’inauguration du château !
- Je n’avais osé espérer fête plus somptueuse ! Le petit Louis XIV alors âgé de 13 ans, ainsi que sa mère m’ont fait l’honneur de leur royale présence.
Tous ceux que la France comptait de plus illustres, étaient réunis là : Le duc d’Anjou, frère du roi, Mazarin, etc.
Après le souper, j’ai donné un bal dans cette grande salle. Les musiciens avaient été placés dans une tribune cachée au dessus de la porte, de sorte qu’étant invisibles, la musique semblait tomber du ciel. Des milliers de bougies produisaient sur les robes chatoyantes et les pierres précieuses de ces dames un feu d’artifices du plus bel effet.
Il ne manquait que Madeleine pour que mon bonheur fût absolu... - - Dis-moi, après cette fête, Louis XIV ne t'a pas pris la tête ?
- J'ai eu quelques ennuis, en effet, mais comment diable le savez-vous ?
- Par ce que la dernière fois qu'un de ses ministres des finances, Nicolas Fouquet, l'a invité à une soirée de ouf' dans un château de ouf', ça c’est fini sous les verrous pour le maître des lieux.
Et comme tu as le malheur d’avoir le plus beau château d'Île de France...
- Hélas, j'ai été moi aussi soupçonné de malversation. Mazarin se méfie de moi et me jalouse. Je pense qu'il n'est pas étranger au fait que j'ai été relevé de ma charge de Surintendant des finances et de gouverneur des châteaux de Versailles et d'Évreux...
- Quelle peau de vache ! Tu devrais aller dire à Loulou que son enfoiré de ministre fricote avec sa mère, histoire qu’on rigole ! - - Mais... tu pleures ? Ce n’est pas si grave d’être en disgrâce, surtout qu’elle va à peine durer 5 ans et qu’ensuite tu vas être fait « marquis ».
- Ce n’est pas cela ! Je suis tellement ému de voir ma bien-aimée dans cette chambre. Je l’ai faite pour le Roi mais je l’ai voulue pour ma Reine...
- Pfff… vous faites toujours ça dans vos châteaux les gars, mais vos rois n’y mettent jamais les pieds.
- Détrompez-vous ma mie, le Roi est venu ; et même plusieurs jours ! Bien que j’eus préféré que cela fût en de moins tristes circonstances. Il venait alors de perdre son fils, le petit duc d’Anjou, à peine âgé de 3 ans...
- En tout cas aujourd'hui tu peux te réjouir de la circonstance : ta femme va passer une nuit dans ton château... Enfin ! - - Tiens, Madeleine s’apprête à prendre son petit déj dans les appartements du comte d’Artois en déshabillé du matin ! Sexy, hein ?
- Comment ? Un compte d’Artois serait dans mes appartements avec ma femme ?
- Keep cool l’ami ! C’est juste le nom donné au 21ème siècle pour ces appartements car ton château a appartenu au frère de Louis XVI, le comte d’Artois, qui est lui-même devenu le roi Charles X après la révolution.
- Quelle révolution ?
- Aïe ! Pour faire simple : les gens en ont eu ras la casquette de la monarchie et de Louis XVI, du coup ils lui ont coupé la tête. Ce sont des choses qui arrivent, nous, on a le même souci avec un certain Hollande, peut–être devrait-on lui couper la tête... Enfin bref... - - Allons prendre l’air pour oublier tout ça...
- Je ne puis y croire ! Notre belle et forte monarchie, la gloire de la France, la mère des arts et des sciences...
- C'est la faute à Voltaire !
- Qui est-ce ?
- C'est un gars avec des idées nouvelles sur la monarchie... brillant, même s’il se la pète un peu depuis qu’il traîne avec la Pompadour. C’était pourtant un ami de ton dernier descendant au 18ème, Jean René de Longueuil. Voltaire a passé beaucoup de temps au château et a même faillit y crever de la petite vérole ! Chose curieuse, à peine avait-t-il fait trois pas hors du château, se sentant mieux, que sa chambre a pris feu !
- Mon Dieu, heureusement que mon château n'a point brulé ! Il est aujourd'hui habité d’une bien belle présence. - - Oui, ton château est presque inchangé, c'est un des plus beaux témoignages de l'art classique français !
Sacré coup de bol quant on sait qu'ils avaient la vilaine manie de cramer les châteaux pendant la révolution. Alors certes, tes belles écuries avec leur grotte/abreuvoir ont disparues... Mais la ville et le château de Maisons-Laffitte sont entièrement tournés vers le cheval.
- Je suis fort aise qu'il ait pu survivre aux siècles et que mon épouse puisse enfin le découvrir comme je l'ai voulu : digne d'elle !
- Ce qui me surprend encore plus, c’est que ta femme semble habiter ce château depuis toujours alors qu'elle n'y a jamais mis les pieds... Il faut dire que tu as tout fait pour qu'elle s'y sente à l'aise : entre sa statue sur la façade, son chiffre enlacé avec le tien sur les murs, son portrait... - - Il se fait tard bel ami, déjà la nuit tombe au 21ème siècle. Madeleine regagne à présent la petite église médiévale accolée au château. Elle s'en retourne au royaume des ombres, il est temps pour toi aussi de partir...
- Chère Madeleine adorée : avant que vous ne partiez, sachez que vous êtes l'astre qui éclaire ma vie, et votre lumière est d'autant plus puissante qu'elle éclaire maintenant d’en haut. Si je supporte cette vie, c’est uniquement parce que je sais que chaque jour me rapproche un peu plus de vous...
Je vous aime !
Réalisation : Ariane pour Histoire Très Personnelle - Photos : Pauline Darley & Maxime Stange - Mannequin : Solweig Lizlow - Coiffure : Pierre Saint Sever - Maquillage : Mademoiselle Mu - Stylisme : A de la Roche - Pour le lieu, merci au Château de Maisons-Laffitte.
Infos Pratiques
Adresse : Château de Maisons, 2 avenue Carnot, 78600 Maisons-Laffitte
Horaires : Du 16 mai au 15 septembre, de 10h à 12h30 et de 14h à 18h, du 16 septembre au 15 mai, de 10h à 12h30 et de 14h à 17h. Visites guidées le week-end à 15h. Fermé le mardi
Tarifs : Plein tarif à 7,50 € et visites guidées à 14,50 €
Tel : 01 39 62 01 49
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De belle images et merci de m’avoir fait découvrir l’histoire de cet homme remarquable !
Bonjour.
Magnifique et passionnant !! Par contre, vous m’avez effrayé ….j’ai cru que vous aviez fait poser NKM devant cette magnifique demeure !!
Magnifique ! Superbes photos du château et de Madeleine
Superbe, bravo!