- Le romantisme noir n’a eu de cesse de les représenter. Que ce soit en peinture ou en littérature, ces femmes me font toujours forte impression, entre peur et admiration. Alors un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée à leur rencontre. Je suis partie jusque dans l’antiquité et là, j’ai vu...
Mon dieu mes amis, Shakespeare, Mallarmé, et autre Gustave Moreau ne s’étaient pas trompés ! Leur beauté n’a d’égale que leur dangerosité ; c’est un puissant venin qui vous ensorcelle et vous foudroie.
De qui je parle ? Mais enfin, de celles que vous connaissez tous : Salomé, Eve, Méduse, Pandore et Lady Macbeth, ces beautés vénéneuses « belles et sombres comme un chapitre de l’Apocalypse » (Pierre Loti)
Allez, hop, venez voir ! - Nous voici dans l’antique Jordanie , au 1er siècle après J-C, dans le magnifique palais d’Hérode d’Antipas.
Dans une somptueuse salle orientale ornée d’or et de marbre, une femme danse. Je suis éblouie par l’éclat des pierres précieuses qui roulent sur son corps nu.
Sur un autel, un homme est allongé, inerte.
Alors que le sang coule sur la peau blanche de ce corps cadavérique, l’or coule sur la peau chaude et ambrée de la danseuse. Les cliquetis cristallins des bijoux répondent insolemment aux gémissements sourds du moribond.
Hérode, sortant de sa contemplation s’écrit :
« Demande moi ce que tu veux, je te le donnerai, fût-ce la moitié de mon royaume ! »
Une voix suave et envoûtante répond:
« Vraiment tout, vous le jurez cher père ?
- Tout, je le jure Salomé, tant que tu danseras pour moi » - « Je veux la tête de Saint Jean Baptiste.
- Pourquoi le tuer alors que je peux le garder en prison ?
- Parce qu’un chrétien qui ose calomnier votre mariage avec ma mère mérite la mort. »
Alors que la mère de Salomé, Hérodiade, sourit, Hérode lui fait apporter une dague. Salomé se rapproche de Jean-Baptiste. Ses pieds glissent dans le sang.
Elle ferme les yeux et rejette la tête en arrière. Ses reins se cambrent, ses seins se dressent tandis qu’elle brandit la dague au dessus d’elle. Je n’ai pas le temps de crier que l’arme tranchante s’abat sur la gorge du pauvre homme.
La tête a été tranchée nette. Triomphale, elle dépose cette tête sur un plateau d’argent.
Le sang perle sur sa peau et se confond avec les éclats rouge des rubis.
La parure de Salomé est désormais complète... - Un long fleuve serpente dans une vallée luxuriante, ça et là des rochers d’or et d’onyx reflètent ses eaux cristallines de milles feux. Partout des arbres embaument l’air de leurs fruits sucrés. Le paradis terrestre s’étend devant moi.
J’entends un murmure. Je m’approche d’un bosquet sombre et dense.
Eve est là, de longs cheveux d’or encadrent son visage angélique, sa peau scintille comme de la nacre, ses grands yeux bleus sont posés sur moi, mais ils brillent d’une lueur étrange... Un serpent enserre son corps gracile. Immobile et terrible, l’animal me fixe de son petit oeil dur et froid.
« Eve, m’écriais-je, que se passe-t-il ?
- J’étouffe...
- Je pense bien avec une bestiole pareille !
- Ce n’est pas lui, c’est ça ! » dit-elle en désignant le magnifique jardin d’Eden. « Je ne veux plus de cette prison, ni de ce père tout puissant ! »
Je suis abasourdie... - Il fait trop sombre, je ne distingue rien mais j’entends des craquements de branches. Soudain Eve s’avance. L'innocence a disparu de son visage, un sourire ironique flotte sur ses lèvres. Son regard est à présent noir et déterminé.
« Que faites-vous Eve ?
- Ceci ! Me dit-elle en me présentant une pomme rouge et brillante comme du sang frais.
- Ne la touchez pas, vous ne savez pas...
- En effet, je ne sais rien et c’est pour cela que je veux gouter au fruit de l’arbre de la connaissance.
- Non, il entrainera votre malheur !
- C’est ce que Dieu notre père veut nous faire croire mais il n’en est rien, Nahash me l’a dit.
- Nahash ? Bientôt il vous piquera et vous tuera !
- Qu’il me tue ... du moment que j’ai connu le plaisir.»
Elle croque le pomme tout en me fixant. J’entends un léger soupir derrière moi, ce n’est pas moi qu’elle regarde mais Adam. - Je contemple cette femme brisée et je me souviens...
Elle me tournait le dos, assise devant une paroi de pierre.
Malgré les serpents qui se dressaient dans ses cheveux, j’étais troublée par son corps mince et souple.
Je n’aurais jamais cru que ce fut Méduse, cet horrible monstre.
Elle me raconta tout : comment elle fut violée par Poséidon alors qu’elle se trouvait dans le temple d’Athéna ; puis comment Athéna, folle de jalousie car amoureuse de ce dieu, lui jeta un terrible sort.
Comment elle vit alors sa longue chevelure d’or qui faisait sa fierté se transformer en serpents aussi noirs que l’ébène ; et surtout, comment elle comprit que son regard pétrifiait quiconque elle regardait.
Elle pleura, me dit-elle, mais ses yeux ne pouvaient plus répandre de larmes, seulement la mort. Depuis, elle fixait les parois de cet étrange sanctuaire caché dans les enfers.
Soudain, j’entendis du bruit. - Je ne voyais personne, pourtant je sentais une présence. Les deux soeurs de Méduse, les Gorgones, dormaient.
J’imposa le silence à Méduse.
« Que se passe-t-il ? » me demanda-t-elle dans un souffle.
Je n’eu pas le temps d’ouvrir la bouche qu’un énorme bouclier d’or poli comme un miroir surgit derrière elle.
Je jetais un cri, elle se leva dans un sursaut et se retourna.
Ses yeux rencontrèrent alors son propre reflet dans le bouclier.
Instantanément ses traits se figèrent, tout son corps devient blanc et dur comme de la pierre, seul son regard exorbité exprimait l’épouvante.
Persée apparut alors, il tenait le bouclier tout en brandissant une épée de diamant. D'un seul coup, il l'abattit sur le gorge de Méduse.
Elle chancela sous le coup, tomba dans les marches et se brisa dans un bruit fracassant.
Le silence retomba.
La mort vient de délivrer Méduse. - Je suis au 11ème siècle.
Dans l’austère château des rois d’Ecosse, les murs de pierre transpirent la peur, et l’air humide a la saveur métallique du sang.
Je frissonne. Au bout d’un long couloir, une silhouette semble flotter. Je m’approche. Brusquement elle fait volte face et vient vers moi.
Je suis saisie. Lady Macbeth est devant moi, ses mains sales sont crispées sur un chandelier qui éclaire son visage cerné, ses cheveux éparses volent dans les courants d’air. Tout en elle dégage la folie.
Elle ne semble pas me voir, ses yeux rougis fixent le néant. D'une voix sourde elle tient des propos décousus :
« Les sorcières l’ont dit, Macbeth sera roi. Je le ferai roi... »
Elle regarde les flammes de son chandelier:
« Les flammes détruiront et purifieront tout. Je serai reine... »
Elle lève une main menaçante.
Je comprends alors qu’elle est en pleine crise de somnambulisme.
- Serait-ce donc Lady Macbeth qui a provoqué l’incendie dans lequel ont périt les cinquante hommes de la garde du roi Duncan ?
Si Macbeth est maintenant le roi d’Ecosse, serait-ce parce que son épouse l’a poussé à tuer son cousin qu’il avait pourtant si bravement défendu lors de la bataille contre la Norvège ?
J’en étais à ce stade de réflexion lorsque j’entends un cri : Lady Macbeth brandit une dague.
Le visage défait, elle hurle :
« Le sang de Duncan est sur mes mains ! Seul mon sang peut laver mes péchés ! Je dois mourir ! »
Avant même que je puisse bouger, elle s’écroule sur le sol, inerte.
Sa longue robe l’enveloppe comme un linceul.
Je la crois morte.
Une étrange lueur verte se déplace sur le mur, serait-ce la sorcière ? Elle se rapproche et me souffle :
« Malheureusement pour elle, elle vit... » - Bien qu’elle ait été donnée par Zeus comme un vulgaire présent au Titan Epiméthée, Pandore se montrait une parfaite épouse pour ce dernier.
Je la voyais souvent occupée à tisser. Parfois j’avais le bonheur de l’entendre jouer de la musique et chanter.
Mais lorsque le soir arrivait, ses grands yeux noirs se voilaient. Elle se levait silencieusement et je voyais alors sa longue silhouette glisser le long des murs puis s’évanouir dans l’obscurité du jardin.
Epiméthée, lui-même, ne semblait guère savoir où elle allait.
J’avais remarqué qu’elle tenait à la main une étrange boite. Cette belle créature, bien que mortelle, m’effrayait quelque peu. On m’avait raconté qu’elle avait été créée par les Dieux pour se venger du frère de son époux, Prométhée.
Malgré tout, un jour, ma curiosité devint trop forte, je décidais de la suivre.... - Ce soir là, Pandore paraissait nerveuse, elle avançait d’un pas rapide. Je peinais à la suivre à mesure qu’elle s’enfonçait dans une dense forêt.
Je trébuchais et je crus l’avoir perdue lorsque je l’aperçus assise au bord d’une rivière. Un étrange spectacle se déroula sous mes yeux.
Pandore tenait cette fameuse boite entre ses mains. Elle l’approcha de son visage, ses mains tremblaient. Lentement, elle l’ouvrit.
Une lumière blanche jaillit de la boite et éclaira son visage.
Tout à coup il me sembla que le monde vacillait : un vent puissant se leva entraînant un tourbillon de ténèbres qui s'abattit autour de nous, un immense serpent surgit, puis j’entendis un claquement sec.
Pandore venait de refermer la boite. Tout s’apaisa. Mais les ténèbres flottaient toujours et le serpent grimpait silencieusement sur une Pandore immobile. Le mal était fait, les maux avaient envahi l’humanité : vieillesse, folie, guerres, vices... - Ces beautés vénéneuses ont parfois le parfum de l'innocence, du sacrilège ou de la folie mais toujours, elle laissent des morts dans leur sillon.
Ces femmes sont autant de tragédies inventées par l'homme, qui aime marier le sang à la beauté pour expliquer la naissance de ses maux.
Qu'elles soient mythologiques, bibliques ou légendaires, ces femmes sont avant tout des fantasmes qui prennent vie dans l’imagination de celui qui les représente.
C'est donc au coeur de mon imagination, mes amis, que vous venez de voyager...
Réalisation : Ariane pour Histoire Très Personnelle - Photos : Pauline Darley & Maxime Stange - Coiffure : Pierre Saint Sever - Maquillage : Mademoiselle Mu et Léa Toussaint (Pandore) - Stylisme : Tatiana Dumabin - Mannequins : Pauline Moulettes (Salomé), Juan Manuel Abellan (St Jean Baptiste), Charlotte Poutrel (Eve), Charlie Melchiori (Méduse), Doriana Ligorio (Lady Macbeth), Ariane (Pandore). Pour le lieu, merci à la Fondation Eugène Napoléon.
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Magnifique, sculptural, sublime.
Belles photos, style différent des autres articles , je regrette cependant l’absence de la touche humoristique qui vous caractérise. J’espère la retrouver prochainement!
superbe ! onirique! poétique ! et si envoutant !!
éblouissant de beauté et de réalité, manque quand même le trait d’humour …
de bien belles photos expressives
C’est magnifique ici…!!!!
Bravo.
(Mona aime beaucoup…).
J’ai apprécié notamment votre petite bio …