Elles chevauchent un bâton volant, elles s’enduisent le corps d’un onguent magique permettant d’être invisibles, elles se réunissent dans les sous-bois, la nuit, et là… Le diable leur apparaît ! Le spectacle peut alors commencer. Au programme : préparation de philtres en tout genre, dégustation de chair humaine, sacrifice d’enfants et pour finir, open partouze !
De quoi je parle ? Mais des sorcières en pleine danse de sabbat bien sur ! Quoi, vous n’en avez jamais vu ? Ben moi non plus, c’est donc le moment d’entrer dans la danse …
Allez, hop, c’est parti, suivez-moi !
C’était une belle journée de mai, le soleil était précoce en cette année 1460. J’étais parti traîner mes poulaines à la campagne, aux abords de la petite ville d’Arras.
J’étais donc là, au bord d’un joli chemin, à essayer de faire tenir mon bouquet de fleurs des champs avec la corde de mon chapelet (ben quoi ? autant qu’il me serve à quelque chose !) quand soudain je vis une épaisse fumée noire et puante s’élever vers le ciel.
– Nom de Dieu, la ville crame ! m’écriais-je.
Ni une ni deux, je remonte ma houppelande aux genoux, je balance pâquerettes et chapelet, et j’accours jusqu’à la ville.
Arrivée à la grand place, je manque de m’évanouir… Ce n’est pas la ville qui est en feu mais une femme et un homme ! Malgré les fagots enflammés qui entourent leurs corps jusqu’à la taille, je peux encore distinguer les mitres dont on a recouvert leur visage et sur lesquelles on a peint le diable. De là sortent des cris d’horreur couvrant les cris d’injures de la foule.
« Sorcière ! Tu as forniqué avec le diable et bu le sang de nos enfants ! Va en enfer ! » crie un manant débraillé à côté de moi.
J’explose :
– Ça va pas de dire des conneries pareilles ! Espèce de taré, va !
– Mais Madame, c’est la vérité ! Cet abbé et cette fille de joie sont des sorciers, ils l’ont confessé !
– C’est surtout que de fille de joie à feu de joie, il n’y a qu’un pas… Ça devrait être toi le con-fessé ! Qui sont ces gens ?
– Deniselle et Jehan Lavite, ils ont été dénoncés comme sorciers par l’ermite Robinet de Vaux qui a également été brûlé.
– Et avec un nom pareil il n’a pas éteint le feu ? (gloussements). Depuis quand brûle-t-on tout ce monde ?
– Depuis qu’on a découvert l’existence des sorciers qui sont à l’origine de nos maladies, de nos famines, de la mort de notre bétail et de nos enfants…
– Ben tiens ! Tu ne crois pas que ce serait plutôt la faute à ce petit branleur de Louis XI qui fout le bazar avec sa fronde ? Et aussi à cause de son père le roi Charles VII et ses guerres qui coûtent une blinde ? Sans parler de son argentier, Jacques Cœur qui pique dans la caisse ? C’est eux qu’il faut zigouiller pour endiguer vos famines, bandes d’abrutis ! Mais vous y viendrez… dans 3 siècles.
– Chut Madame, on pourrait vous entendre ! Tout ce que je sais, c’est que les deux personnes que nous brûlons ont de leurs aveux tué des enfants, et commis des actes sataniques abominables. Avant de mourir ils ont livré les noms de moult adeptes qui eux aussi baisent le cul du diable. Fait extraordinaire, ce sont en majorité des personnes de haut rang : juges, ecclésiastiques, et même un chevalier…
– Héhé, c’est justement parce qu’ils ont baisé le cul du diable qu’ils ont réussi à en être là où ils en sont, tes gens de haut rang ! Enfin bref… Lesquels compte-on brûler ?
– Tous Madame ! Soit plus d’une trentaine selon Jacques Dubois, le juge en charge de l’affaire.
– Quoi ? C’est ce fanatico – schizo – enfoiro de théologien qui s’en occupe ? Je comprends mieux… Il a trouvé la parade pour éliminer ses adversaires religieux. Je parie que la plupart des condamnés sont des vaudois prônant la pauvreté évangélique ?
– C’est en effet ce que j’ai ouï dire… mais ils adorent le diable.
– Ben voyons, ce sont là leurs aveux sous la torture, je présume ?
– Pour sur, Madame, certains ont du avaler plus de 18 litres d’eau et être soumis à la torture des brodequins avant d’avouer !
– Pffff… Et qu’est ce que M. Dubois leur demandait de dire ?
– La vérité : qu’ils allaient au sabbat situé dans un bois à quelques kilomètres d’Arras et que là les attendait le diable qui prenait la forme d’un bouc. Sur commande du diable ils exécraient Dieu, la Vierge et crachaient sur les crucifix. Ils faisaient un grand banquet durant lesquels ils mangeaient de la chair humaine, puis ils s’accouplaient dans une débauche des plus lubriques. Enfin, ils donnaient l’Eucharistie à des crapauds qui étaient par la suite réduits en poudre pour confectionner des philtres maléfiques. C’est en répandant ces poudres qu’ils rendaient les champs stériles et propageaient la maladie et la mort.
– Et bien ! Quelle imagination ce Dubois… C’est à se demander s’il ne s’est pas réincarné en Marquis de Sade (lire : It’s sad, so Sade Acte I)…
Alors que les deux pauvres malheureux finissaient de se consumer sur leur bûcher, je venais de comprendre que j’étais tombée en pleine affaire de la Vauderie d’Arras qui a marqué l’ouverture de la chasse aux sorcières.
En effet, les chasseurs en soutane n’avaient point attendu Septembre pour s’armer de leurs croix et de leurs fins limiers, de pauvres villageois crédules, et se mettre en route sur le chemin morbide de la démonologie (science des démons). Munis du Canon Episcopi (premier manuel sur les sorciers écrit au Xème siècle) ils étaient sûrs de débusquer la proie gênante. Celle-ci se présentait souvent sous la forme d’une pauvre femme isolée jugée bizarre ou d’un homme qui, ne baisant pas assez le cul du christ, était accusé de baiser celui du diable.
Ainsi, Juifs, Templiers, veuves, sages femmes et autres guérisseuses constituaient ce gibier de potence qui terminaient dans les rôtissoires de Messieurs les chasseurs et finissaient effectivement au banquet du diable. Ce dernier n’était donc point un bouc mais en réalité un inquisiteur ou autre petit juge séculier de province.
Mais bon… il n’y a pas de fumée sans feu, non ? (C’est le cas de le dire !). Ça va, les amis, ne montez pas sur vos grands balais ! Moi aussi j’imagine mal Jean de Molay, grand maître des Templiers, aller faire la farandole à poil autour d’un feu en picolant du sang de morveux…
Et pourtant… le récit que vient de me faire ce gueux sur la danse de sabbat me rappelle étrangement cette fameuse affaire des poisons.
Vous savez, celle où cette vieille bique de La Voisin préparait des philtres d’arsenic très magiques façon « tu bois et hop, tu disparais » pour le tout Versailles, pendant que La Montespan (favorite de Louis XIV) se vautrait par terre les nichons à l’air devant un curé lubrique qui récitait une messe à rebours et peut être même égorgeait 1 ou 2 nouveaux nés pour en recueillir le sang…
Et ça les amis, ça a vraiment excité… heu existé ! C’est même l’héritage d’une longue tradition qu’on retrouve depuis les romains avec leur fameux rites érotico- religieux (la hiérogamie) qu’ils pratiquaient à tire larigot pour soit-disant communier avec leurs dieux. La palme du gore revenant aux Bacchanales, où il a quand- même fallu égorger quelques 7000 adeptes pour les calmer.
Qu’y faisait-on ? On y bouffait un bouc vivant à pleines dents (soit disant Bacchus, pas cool pour lui – ni pour le bouc -). Puis on courait cul nu dans les hauteurs de Rome à la lueur de torches pour se mettre en jambes, avant de se les mettre en l’air lors d’une grosse partouze. Les accouplements se faisaient au gré de ce qui tombait sous la main ou sous la fesse (la mère avec le fil, le frère avec la sœur, le vieil inconnu avec le jeune, etc.). Parfois on tuait 2/3 bambini au passage…
Depuis, il y a toujours eu quelques libertins et autres fêlés du casque pour perpétuer cette antique pratique. Mais, au 15ème siècle, ce club de « happy fews » a dû certainement voir son nombre de memberships grossir à mesure que grossissait la prise de tête du christianisme.
Bref, le 15ème n’a rien inventé, si ce n’est toutes ces petites histoires misogynes de sorcières.
Félicitions notre champion du conte à dormir (et à brûler) debout : Jean Bodin, que voici.
Un brillant économiste, auteur de traités de sciences politiques, enseignant de droit romain pendant douze ans et qui à connu la gloire grâce à…. ses minables petites histoires de sorciers qu’il a regroupé dans son minables petit bouquin « La Démonomanie des sorciers » qui a fait un carton à la fin du 16ème.
« Alors Jeannot, dites nous tout : comment reconnaît-on une sorcière ? Hormis le fait que ce soit une femme, ce qui vous fait très peur au 16ème siècle puisque vous ne comprenez rien à son corps et encore moins à sa psychologie. (Déjà qu’on 21ème c’est pas encore ça…)
– Mais ma bonne, il est vrai que ce sont en majorité des femmes car le diable aime prendre le sexe faible pour victimes. Elles résistent moins bien que les hommes à ses diaboliques séductions. J’en veux pour preuve les marques qu’il laisse sur le corps de ses victimes.
– Ah, c’est déjà la mode du tatouage au 16ème ? Énorme !
– Ce dont je parle, c’est du symbole de soumission que Lucifer laisse sur son élue à l’aide d’une épine noire ou de ses griffes.
– Ah bon ? ça doit être une balafre de malade !
– Que nenni ! Cela peut-être aussi bien une callosité, une verrue, une petite tâche noire ou une simple égratignure ! Elle est parfois cachée, si bien que l’on rase entièrement le corps pour s’assurer de la découvrir.
– Dans ce cas, nous sommes tous possédés mon bon Jeannot, et vous le premier ! Allons, dites-moi la vérité vieux coquin : c’est pour mater des femmes à poil, hein ?
– Ne blasphémez pas, ma chère ! Et sachez que je ne me transforme point la nuit en oiseau de proie comme ces sorcières qui volent en poussant des cris effrayants !
– On appelle ça une chouette hulotte, trou de balle ! Regardez-moi ça : ça parle le latin, ça connaît le droit romain et ça a les jetons d’une chouette !
– Est-ce donc une chouette qui entre dans les maisons pour y dévorer les petits enfants et qui s’envolent ensuite par la cheminée à califourchon sur un morceau de bois, le corps oint d’un onguent qui leur permet de filer à toute vitesse ?
– Écoute Bodin, je ne sais pas ce que tu fais la nuit, mais arrête les champis hallucinogènes, tu vas finir par rester bloqué !
– Et pourtant, Madame, il en est ainsi, de l’aveu même des sorcières. Elles s’accouplent avec le Diable, il faut donc les brûler prestement.
– Et pourtant, Monsieur, il en est ainsi, de l’aveu même de Voltaire : « Il n’y a plus de sorciers depuis qu’on ne les brûle plus. »
Ici est la sagesse ! Que celui qui est doué de l’Esprit calcule le nombre de la bête. Car c’est un nombre d’homme et son nombre est six cent soixante six.
A=9.B=18.C=27.D=36.E=45… etc… Z=234 SATAN=495… DESIR=495… ENVIE=495… LA FEMME=495….
SATANS=666… DESIRS=666… ENVIES=666…. LUCIFER=666….. SUCCUBE*=666 *Succube:nom masculin, Sens: Démon femelle [Religion]. Synonyme diable
Synonymes succube: démon, diable, diablesse.
Car c’est un nombre d’homme et son nombre est six cent soixante six=666 en base 1 (A=1.B=2.C=3.D=4…)
Génial! super! un vrai bon moment passé à lire cet article . Le ton qui vous est si particulier m’a permis
de m’informer dans la bonne humeur sur un sujet bien documenté et assez dramatique .
Je suis moi-même une sorcière gentille et mutine bien-sûr donc je suis intéressée par ma famille.
Merci d’avoir posté cet œuvre de Clovis Trouille que je ne connaissais pas…. La belle « inquisitée » ressemble trait pour trait à ma chère et tendre (y compris le grain de beauté).
« La recherche de la marque du diable sous l’Inquisition, Trouille »
je ne suis pas douée pour etre une sorcière, ou alors,,,,,, je m’ignore!!!
Médium et Astrologue…et bien je l’ai échappé belle….lol
super bien expliqué votre histoire …hou la la…l’époque des sorcières…..vous avez un don pour nous y faire participer je m’y croyai
Je découvre par hasard ce blog trop génial : de la pédagogie intelligente, claire, nette, précise, subtilement illustrée et surtout pleine d’humour… bien sûr j’adore Clovis Trouille, Voltaire et les chats noirs parce que je suis une vieille sorcière !