Des jardins à l’italienne, tels de petits soupirants, se pressent au pied d’une belle demeure renaissance alanguie. Plus loin, un immense lac étend son miroir mouvant dans lequel se mire un superbe château rocaille. Séduisant gentilhomme de pierre, il converse galamment avec les grandes forêts du Vexin qui lui font face. Au loin, des collines élèvent leur gazon verdoyant vers le ciel et semblent vouloir faire l’amour aux nuages.
A quelques kilomètres de Paris, si la nature se fait si libertine, c’est sûrement en hommage aux deux illustres libertins de ce Grand Siècle qu’elle a accueillie.
En effet, au 17ème siècle, le marquis de Villarceaux fit de son domaine un paradis de luxure où Eve, dit Ninon de Lenclos, s’y fit allègrement manger la pomme…
Une petite promenade champêtre au cœur du libertinage mondain, ça vous dit ?
Allez hop, c’est parti, suivez-moi !
Ninon de Lenclos… Combien d’hommes n’ont pas soupiré d’amour en prononçant ce nom ?
Nous sommes en 1652, Anne, dit Ninon, a 32 ans. Elle est au zénith de sa beauté et le restera jusqu’à sa mort, en 1705.
Les lumières de sa splendeur en éblouissent plus d’un à la cour du Roi Soleil.
Déjà toute jeune fille, Scudéry (célèbre romancier et dramaturge du 17ème siècle) disait d’elle :
« J’ai connu cet astre naissant
au point de sa clarté première,
et s’il était déjà puissant,
quelle doit être sa lumière !»
Effectivement, quelle lumière ! Et comment cela se fesse, heu… pardon, fait-ce ?
Sûrement parce que cette originale aristocrate a fière allure : c’est une grande et belle brune, d’une élégance rare et aux charmes indéniables.
D’accord, mais rien de très nouveau sous le soleil de la cour du Roi Soleil, me direz-vous…
Exact ! Alors venons-en au fait :
Et bien voilà, dans un siècle où la bonne morale veut que les « honnêtes femmes » restent à la maison sans moufter, avec une ceinture de chasteté pour compagne, Ninon, elle, s’affiche comme chaude du con.
Dès l’âge de 16 ans, elle découvre les joies de la galipette.
Avec son mari, dites-vous ?
Ah, non ! Sinon elle aurait découvert le viol… Souvenez-vous, mes chers, nous ne sommes qu’au 17ème siècle.
Pour ce faire, voyez-vous, elle commence fort, car c’est avec un cardinal qu’elle s’envoie en l’air ; et pas des moindres : le cardinal de Richelieu, s’il vous plait.
A partir de là et jusqu’à ses 80 balais, tout lui passera dessus sauf un abruti de mari, foi de Ninon !
Couillue la belle Dame ? Vous ne croyez pas si bien dire, celle qui se moque de Dieu comme de sa première levrette, lui adresse cependant une prière :
« Mon Dieu, faites de moi un honnête homme et n’en faites jamais une honnête femme ».
Et quand une femme prend les vertus d’un honnête homme, à commencer par celle de la séduction, elle devient une virtuose de l’amour : l’échauffement de l’esprit est un prélude à celui des sens.
Ce qui fera dire au comte de Chavagnac : « Quand un courtisan avait un fils à dégourdir, il l’envoyait à son école. L’éducation qu’elle donnait était si excellente, qu’on faisait bien la différence des jeunes gens qu’elle avait dressés. Elle leur apprenait la manière jolie de faire l’amour… »
D’une intelligence admirable, drôle, et aussi ouverte d’esprit qu’elle l’est du reste, Ninon tient salon. Les gens de haute qualité, hommes et femmes s’y pressent. On y trouve La Fontaine, Lully, Boileau, Mignard, Racine, le couple Scarron (dont la femme, sa grande amie, deviendra Mme de Maintenon), Molière, (qui lui demande de relire et corriger ses pièces), etc.
Même le grand Louis XIV, qui, à défaut d’être de la partie, ne peut s’empêcher de demander depuis Versailles : « Qu’a dit Ninon ? ».
Comme vous le voyez, la célèbre Lenclos fait la pluie et le beau temps depuis son célèbre Enclos.
Mais si Ninon devise, Ninon divise, et si Ninon électrise, Ninon scandalise, mais surtout : Ninon brise…
Brise quoi ? Des cœurs pardi ! Les élus ont beau être nombreux, les soupirants le sont encore plus. C’est sa stratégie perso : pas question de faire la cocotte vulgaire en s’offrant à des vieux dégueulasses pleins de biftons. Courtisane oui, mais selon ses « caprices » comme elle dit. Alors pour atterrir dans le lit de Ninon, il faut… attendre. Et parfois, il y a un heureux élu, plutôt jeune, plutôt beau, comme ce jour où Charleval, son ami, la trouvant en compagnie du jeune Rambouillet, lui glisse à l’oreille : « Ma chère, voilà qui a bien la mine d’être un de vos caprices !».
Il n’en fallait pas plus pour que ce coquin de marquis de Villarceaux vienne fourrer son joli nez dans les jupons de la belle. Ce jeune chien fou de 33 ans, épris de chasse et de belles femmes, veut absolument épingler à son tableau le trophée De Lenclos ; d’autant qu’il croit Ninon de conquête facile…
Il se rend donc la fleur au fusil dans l’Enclos de la belle et s’y trouve… chassé ! (Pas cool pour un chasseur).
N’allez pas croire qu’elle resta de marbre devant ce jeune et riche débauché. Bien au contraire, comme dit Emile Magne (historien du début du 20ème siècle) : « Elle aime. Un sentiment forcené la soulève, si étrange et si délicieux, qu’il lui semble qu’on lui a versé un philtre…».
Seulement, là où les autres femmes vertueuses tombaient au pied du beau jeune homme dans un soupir amoureux, comme ce fut le cas de la maréchale de la Ferté et de bien d’autres, Ninon, en femme d’expérience, se contente de dire « ni oui, Ni Non » (hihi !). Elle laisse poireauter là notre homme, sans autre forme de civilité (re-hihi !).
Le marquis, peu coutumier de la chose, renâcle, s’énerve, paye, presse… Ce beau parleur aux manières cavalières, capable de balancer dans tout Paris les lettres, portraits, bracelets et autres preuves d’amour de ses conquêtes pour la simple raison qu’elles ont cessé de lui plaire, se retrouve pour la première fois… la queue entre les jambes.
Quelle ne fut pas sa surprise de se lever un beau matin complètement enamouré de sa Ninon.
Le libertin gouailleur avait fait place à un pauvre amoureux transi (bien fait !).
Le belle, en grande experte, voit bien que le fruit est mûr, mais décide de ne pas le cueillir encore…
Ne pouvant plus y tenir, fou de jalousie, notre beau marquis use de nouveau de ses manières cavalières mais dans un but, cette fois, chevaleresque : il enlève Ninon !
Non seulement il l’enlève, mais il l’emmène loin de Paris, dans son domaine de Villarceaux.
Ce qui entre nous n’est pas fait pour déplaire à Ninon, car elle a quelques scandales d’ordre sexuels à faire oublier.
Là, commence une idylle des plus passionnées. Même Ninon en connaîtra peu de pareil dans toute sa carrière de jambes en l’air, qui ne durera pas moins de 65 ans.
Les deux amants filent un parfait amour pendant 3 ans, ce qui est un comble pour celle qui avait l’habitude de lancer à ses amoureux : « Je crois que je t’aimerai trois mois, c’est l’infini pour moi ».
Ils s’aiment à n’en plus finir dans les cabinets de verdures dont recèle le parc (il en naîtra même un fils). Est-ce la nature qui les inspire ou l’inverse ? En tout cas, les frondaisons des arbres, tout comme les vieilles pierres du château renaissance auraient bien des choses croustillantes à nous raconter !
Quand elle ne se baigne pas nue dans les bassins des jardins, Ninon occupe de jolis appartements dans une des tours du château, l’autre étant réservée au marquis qui en a fait son atelier de peinture (Monsieur n’a pas qu’un joli coup de reins, il a aussi un joli coup de pinceau).
Les appartements de la belle, certes petits, se révèlent fort agréables grâce à leur joli décor, et surtout fort commodes : des boiseries mobiles, dans une des pièces, servaient à planquer un minuscule endroit où pouvait se tenir une personne. Cachette bien utile si Denise, la femme du marquis, avait le mauvais goût de se pointer à l’improviste.
Ah, avais-je oublié de vous mentionner qu’il était marié, l’animal ? C’est parce que cela reste un simple détail pour ce renard rusé, pas besoin d’en faire tout un fromage… Laissons donc à Maître Denise la peine de donner de la voix.
Lorsque Louis de Mornay, de son petit nom, est appelé à Paris pour remplir ses hautes fonctions (capitaine de la meute des chiens de chasse de Louis XIV), Ninon a la délicatesse de se retirer dans un château voisin, chez Charles de Villiquierville, un ami du marquis.
Mais n’allez pas croire qu’elle s’y morfondait d’ennui, en soupirant devant les heures passées sans son cher Loulou. Ce serait mal connaitre Ninon et encore moins le Charlie.
Ce dernier est en effet un fieffé original, qui en plus d’être frondeur et opposant à tous les régimes, s’avère être un joyeux luron qui multiplie les bizarreries, comme celles d’être végétarien (il est quand même capable d’offrir un repas de melons à ses illustres invités – au 17ème siècle !).
Les deux compères aiment s’enfermer dans des salons pour philosopher, même si parfois cela fait place à quelques travaux pratiques …
Mais enfin, ce ne sont là que de futiles passe-temps car la vraie passion amoureuse de cette grande dame se déroule à Villarceaux, dans les bras verdoyants de la forêt du Vexin et dans ceux velus de son Marquis.
Et même si, 3 ans plus tard, de retour à Paris, les liens entre les amants se distendent, le domaine, lui, semble avoir été marqué pour toujours par cette belle aventure.
Voyez donc comme un ancien château fort, peu décidé à mourir, frotte ses ruines avec indécence contre le corps de logis de la demeure renaissance. Et ces jardins à l’italienne, respirant l’amour et mouillés d’eau qui chantent sous le balcon d’un jardin des simples, tirés à quatre épingles. Partout, les arbres et les fleurs s’enlacent savamment et contemplent leurs effets dans les bassins d’eau qui jalonnent le parc.
Seul le château rocaille de Monsieur du Tillet, drapé dans son allure martiale, et perché sur son talus en vertugadin, se tient à l’écart de cette partie fine qui se déroule à ses pieds. Le pauvre à été construit trop tard, au XVIIIème siècle, et n’a pas eu le bonheur de connaître nos deux libertins…
Infos Pratiques
Adresse : Domaine de Villarceaux, 95710 Chaussy
Horaires : De 14h à 17h. Visites guidées toutes les 30 min (sans réservation)
Le domaine est fermé du 15 octobre au 15 Avril
Tarif : L’entrée et les visites guidées sont gratuites
Tel : 01 34 67 74 33
Site web : http://www.iledefrance.fr/villarceaux
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